La bourrée auvergnate, tout un patrimoine


Leissa-mé faïré donsotto !
(Laissez-moi faire dansette !)

A l’occasion de mon initiation du vendredi aux danses traditionnelles, j’ai rouvert un ouvrage vraiment savoureux de 1930, Danses et Chansons de Danses d’Auvergne, de Fernand Delzangles, dégoté à la brocante de Massiac. J’y ai trouvé, outre le refrain cité en titre qui n’est pas de Dalida mais d’une certaine Louisette, de précieux et savants éléments théoriques propres à éclairer ma laborieuse pratique, car la danse auvergnate, c’est tout un art, tout un patrimoine.

La bourrée, on l’aime depuis toujours

Concernant l’origine du mot, l’auteur explique : « Au Moyen Âge, en Auvergne […] les hommes, les femmes, les enfants se réunissaient sur les places publiques, dansaient et acclamaient joyeusement l’avènement d’un nouveau roi en criant « Bou Reï yo ! », « Bon roi il y a ! ».

Il revient ensuite longuement sur la faveur que connut la Bourrée dans les sociétés les plus choisies : « Autrefois, les seigneurs et les nobles châtelains de la cour des Valois ne dédaignaient pas de danser la Bourrée… ni les princes et les jolies favorites du XVIIIe siècle ».

Et de citer d’abord Madame de Sévigné (dans une lettre à sa fille, madame de Grignan, le 8 juin 1676) qui la vit dansée à Vichy : « c’est la plus surprenante chose du monde ; des paysans, des paysannes, une oreille aussi juste que vous, une légèreté, une disposition… Enfin j’en suis folle… » 

Puis Richepin, de l’Académie française, dans les Annales littéraires de 1918, charmé par cette danse de la séduction (oui oui !) : « Elle représente l’homme et la femme cherchant à se plaire, à se séduire. Lui est fier, il montre sa force, son agilité. De temps en temps, il frappe du pied, il pousse un cri aigu… Elle, quand elle danse, elle ne le fait que pour se montrer : elle montre le cou, elle montre la taille, à certains moments, elle relève un petit coin de jupon pour montrer ses chevilles. »

Et enfin Rodin, dans la revue L’Art et les artistes, en 1914 : « Quelle foule de génies a fait la Bourrée ! Comme une fresque, la Bourrée a besoin qu’une femme en soit l’âme active, l’ondulation. »

Avant de déployer la variété aujourd’hui insoupçonnée des chants (qu’il traduit) et des danses (dont il explique les multiples et savantes figures), l’auteur se désole et appelle à un sursaut vital : « Les jeunes gens délaissent de plus en plus la Bourrée, la danse du pays, pour les danses modernes : polka, mazurka, valses, scottiches… ils appellent le tango ‘’la chaloupée’’, la matchiche ‘’lou grato mougni’’… Il faut réagir ! 

Une bourrée aux JO, quel symbole !

Quelques cent ans après, lors de la cérémonie d’ouverture des JO, deux danseurs en costumes traditionnels auvergnats ont enchaîné quelques pas sur la composition électro « Sandstrom » du DJ finlandais Darude, semblant confirmer les propos de Delzangles qui m’avaient beaucoup surprise : « la Bourrée est par excellence la danse nationale française ». Clin d’œil charmant, inattendu, qui n’a pas manqué de chatouiller notre légendaire chauvinisme… A l’unisson d’une moitié de la France qui cria à la réaction, notre puriste et fervent compilateur dut alors, d’une vigoureuse virevolte, se retourner dans sa tombe !

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